L'éditeur de « Grand Theft Auto » remplace la DEI par la « diversité de pensée » dans son rapport annuel

Take-Two Interactive, l' éditeur derrière Grand Theft Auto VI , renonce à toute mention des efforts de diversité, d'équité et d'inclusion (DEI) et promeut la « diversité de pensée » dans son dernier rapport annuel.

Ce changement, repéré pour la première fois par Game File , fait partie du rapport annuel 10-K de l'entreprise, qui offre un aperçu de ses activités, de ses finances et de ses facteurs de risque. En 2024 , le rapport comprenait une section approfondie sur la diversité, l'équité et l'inclusion (DEI), exprimant son soutien aux groupes œuvrant pour « l'éradication de l'injustice sociale », les droits LGBTQ+ et les étudiants en conception de jeux vidéo issus des minorités, et « la célébration des différences culturelles » par le biais de groupes d'employés.

Dans le rapport 2025 , Take-Two ne mentionne la diversité que dans un seul domaine : « Nous sommes convaincus que la diversité des idées est le moteur de l’innovation, essentielle à notre réussite. » Le rapport ajoute que l’entreprise vise à « offrir un lieu de travail inclusif où chacun se sent respecté, écouté et en sécurité », mais ne mentionne pas les engagements pris en 2024 d’offrir des bourses aux étudiants en conception de jeux vidéo issus de minorités.

« En permettant à nos collègues d’adopter un état d’esprit entrepreneurial et de prendre des risques calculés, nous pensons avoir créé un environnement dans lequel nos employés peuvent s’épanouir », peut-on lire dans le rapport.

Cette décision s’inscrit dans une tendance croissantedes entreprises à réduire leurs initiatives en matière de DEI dans le cadre d’une répression de tout ce qui est perçu comme DEI par l’administration Trump.

Les efforts en matière de DEI dans l'industrie du jeu vidéo se sont intensifiés depuis les débuts du jeu vidéo, mais ce n'est qu'en 2020 que les grandes entreprises ont commencé à soutenir les développeurs issus des minorités , reconnaissant ainsi l'existence de problèmes systémiques plus vastes. Après le meurtre de George Floyd par la police, les entreprises ont commencé à soutenir ouvertement des mouvements comme Black Lives Matter et se sont engagées à aider les développeurs marginalisés. Cependant, alors que le président Donald Trump réprime la DEI dans les secteurs public et privé, ces efforts pourraient désormais être menacés.

Contacté par WIRED, un porte-parole de Take-Two a refusé de commenter. Le site web de l'entreprise indique néanmoins que « des équipes plus diversifiées sont plus précieuses et plus efficaces. La diversité est la clé de notre succès ».

Les réactions négatives à la DEI, qui se sont récemment propagées dans des entreprises de secteurs comme la technologie et le commerce de détail, sont fortement ancrées dans les communautés de joueurs. L'année dernière, un mouvement de harcèlement en ligne baptisé «  Gamergate 2.0 » s'en est pris à des cabinets de conseil chargés de fournir des conseils sur les sensibilités culturelles et a créé des listes qui considéraient la moindre trace de tout élément non blanc , cisgenre et hétérosexuel comme relevant de la DEI. Dans les communautés de moddeurs , des mods pour des jeux comme Les Sims 4 sont créés afin de supprimer les personnages non-joueurs LGBT et noirs du jeu.

Le langage utilisé dans le rapport de Take-Two fait écho à celui d'entreprises comme Meta , qui a déclaré qu'elle rechercherait la « diversité cognitive » dans son propre 10-K plus tôt cette année, alors qu'elle a mis fin à ses propres programmes DEI.

L'Entertainment Software Association, qui organisait l'E3, aujourd'hui disparu, et défendait l'industrie du jeu vidéo auprès des régulateurs et des législateurs, a refusé de commenter l'impact des reculs en matière de DEI dans le jeu vidéo. Un porte-parole a plutôt orienté WIRED vers la page « Inclusion et appartenance » de l'ESA sur son site web, qui prône la représentation et affirme que « la communauté du jeu vidéo est vaste et diversifiée ».

La diversité de pensée n’est peut-être pas un concept problématique en théorie, mais des personnalités de droite l’ont adoptée comme un sujet de discussion pouvant servir de couverture à des opinions racistes, sexistes ou transphobes.

Daniel Oppong, fondateur de The Courage Collective, un cabinet de conseil qui conseille les entreprises en matière de DEI, explique que cette notion est souvent utilisée comme une échappatoire pour contourner le manque de représentation d'une entreprise. « Lorsque les cultures organisationnelles sont largement homogènes, elles invoquent souvent la “diversité de pensée” pour souligner un élément distinctif », explique-t-il. Cela n'exonère cependant aucune entreprise de toute responsabilité. « Dans cet esprit, si la “diversité de pensée” est jugée nécessaire (et acceptable) », ajoute-t-il, « alors la diversité des identités (c'est-à-dire des équipes diversifiées) devrait également être un impératif. »

Oppong affirme qu'il existe une grande idée fausse sur la notion de DEI aujourd'hui. « Ce qui était censé être une pratique interdisciplinaire solide, conçue pour créer des cultures où chacun s'épanouit, est souvent présenté à tort comme du "wokisme" et réduit à des mots à la mode qui polarisent et ne reflètent pas fidèlement l'essence et l'impact d'une DEI efficace », explique-t-il. Ces programmes peuvent offrir un accès égal à des avantages tels que de meilleures conditions de travail pour les personnes handicapées, un congé parental amélioré et un accès égal aux opportunités de carrière.

« L'une des idées reçues les plus répandues concernant la DEI est l'idée qu'elle ne profite qu'aux personnes issues de groupes historiquement marginalisés », explique Oppong. « En réalité, lorsqu'elle est mise en œuvre efficacement, la DEI profite à tous. »

Pour certaines entreprises, comme Target, les reculs en matière de DEI ont entraîné des pertes de profits et un retour de bâton culturel. L'année prochaine, Take-Two publiera le très attendu Grand Theft Auto VI de Rockstar, avec une femme latino-américaine à l'affiche – le genre même de personnage que les anti-woke appellent DEI.

« Les gens souhaitent soutenir et travailler pour des marques qui partagent leurs valeurs », explique Oppong. « Compte tenu de l'évolution démographique aux États-Unis, il est impératif que les organisations prennent en compte les besoins et les valeurs spécifiques des différents groupes identitaires, notamment si elles veulent rester pertinentes et trouver un écho auprès des employeurs comme des consommateurs. »